Art Photography & Editorial

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Ce blog est le « double » de Strasbourg Art Photography, le site indépendant dédié à la photographie d’art et conceptuelle. Il regroupe l’ensemble des articles publiés, la liste des lieux et des artistes cités, des éditoriaux originaux ainsi que des rubriques spécifiques. Arteditorial est donc le complément nécessaire à nos travaux rédactionnels et de recherches. Nous remercions la presse (journaux, revues, cahiers spécialisés et sites internet), les étudiants en histoire et critique d’art ainsi que tous nos lecteurs, passionnés et collectionneurs, qui suivent nos contributions, reportages et analyses. 


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Mohammed El Mourid est un artiste de l’expérience. A la fois dans le sens d’expérimenter et celui de la connaissance. Il acquière ses savoirs sur des terrains mouvants lesquels vont servir de socles à ses travaux.

« Terrains mouvants », oui, et c’est bien là où l’artiste excelle. Il traite les matières dans une double appropriation : le support et le sujet. L’objet de ses approches est justement de mêler le contenu et le contenant, il en ressort une notion de l’effacement.

La disparition dans ce travail est récurrente. Répétitive. Il crée des phénomènes visuels où le matériau, le concret, va servir de base à cette disparition. Exemple : des peaux de chèvres séchées sur lesquelles il va transférer des vues selon un processus photographique tendant à montrer de manière étonnante que le temps s’estompe, mais celui-ci reste sous une forme résiduelle. Les visages qu’il a souvent ainsi transférés sur ces peaux sont comme de lointains souvenirs. Le flou du temps rejoint les strates de la matière. Il y a aussi les galets, eux aussi accueillant des transferts photographiques sur leur surface. Paradoxe complet du solide et de ce qui roule, comme le temps.

D’autres travaux rejoignent ce souci de la disparition. Blocs de lait congelés qui fondent, passage du solide temporaire et fragile, comme la vie des Hommes, vers le liquide fuyant, cette impossibilité là encore de figer le temps.

Pourtant il y a tentative de fixation. Une sorte de momification. Ces visages sur les peaux, sur les galets ou ce produit congelé sont des arrêts à la fois concrets et immatériels. Mais Mohammed El Mourid sait que cette tentative, mainte fois répétée, est l’obligatoire effort vers l’absence à combler. Et nous arrivons ici à la notion de mémoire.

Mémoire du travail, celui de s’exercer chaque jour dans une obsession du souvenir afin de toucher du doigt la douleur de ce qui disparaît. La mémoire serait en fait, pour l’artiste, un matériau presque comme un autre.

Disparition, momification, mémoire. Mohammed El Mourid met en œuvre cette trilogie, une trinité des sens, profane et subtile, et la philosophie qui en ressort serait celle du beau. Beauté par essence impossible à fixer, par quelque procédé que ce soit, et encore moins par un diktat relevant de la fascination. La mémoire, dans les œuvres de Mohammed El Mourid est de l’ordre de la simple approche. Humble et complexe à la fois.

Photographier ce que construit l’Homme et photographier les Hommes. Montrer l’art photographique.

Architecture et verticalité – C’est toujours la même chose lorsqu’un individu se déplace dans son environnement urbain : il se confronte à ce qui est debout, comme lui. Il se retrouve systématiquement en opposition avec/contre des éléments solides, massifs et “construits” alors que lui, Être soudainement ramené à une si petite dimension, se déplace dans une horizontalité désespérante. Il se cogne à une dure réalité, dans tous les sens du terme, et il oublierait que ces éléments de pierres, de bois ou bétonnés sont de son fait, érigés par les Hommes. “Ériger”, voilà bien une notion qui pourrait faire sourire quand on pense à l’étymologie et aux synonymes de ce verbe. Vouloir élever, dresser, mettre debout, bref “dompter” finalement, et quand cela est fait, nous nous trouvons en face d’un objet en érection. Et de nouveau cette affligeante comparaison. L’Homme aime à se projeter vers plus grand tout en se faisant du mal. Pour le photographe, saisir toute verticalité nécessite un certain recul, tant physique que philosophique. Et puis mettre debout dans une image ce qui a priori ne peut y entrer est du domaine d’une vision. François Nussbaumers’est donc attelé à un travail difficile. Et l’art de l’artiste est d’avoir su s’approcher de ces monstres verticaux avec respect et témérité pour nous les montrer dans leur splendeur. Bâtiments anciens ou modernes, œuvres humaines à vocation sociale, culturelle, cultuelle ou technique, François nous les restitue sans les rendre grandiloquents. Et puis le format de ces choses imposait de les loger à leur tour dans des dimensions appropriées d’où ces grands livres qui constituent la collection “Vertical” que l’éditeur-photographe a conçu intelligemment en arpentant de grandes cités comme Strasbourg, Lyon,  Marseille, Gand (et en projet Bruges et Anvers).

Oran-Strasbourg – Photographier sa ville, son quartier, ses voisins peut sembler une activité banale. Et lorsque cette démarche s’inscrit dans un contexte d’échange entre l’Algérie et la France, plus précisément entre Oran et Strasbourg, nous arrivons assez vite à comprendre que l’acte photographique est aussi une action en forme de revendication. Revendiquer son identité, ses origines tout en ne voulant pas, en ne pouvant pas ignorer les difficultés, liées à l’urbanisme galopant, sociales et économiques, mais aussi à certains abandons de responsables locaux quant à l’incapacité à entretenir correctement  les lieux. Peu importe les systèmes politiques en place et les pays, il y a toujours des abus et des compromissions. Mais le photographe, quand il est “amateur”, met dans ses vues une naïveté révélatrice d’une réalité à la fois poétique et concrète. Il ne sait “cacher” ni corrompre, il est honnête. Le travail d’Oranais venus à Strasbourg pour exposer leurs photographies à laGalerie Art’Course, dans le cadre de l’événement Oran-Strasbourg, nous montre cette belle spontanéité. Zora Zaïr, Fay Lafaille, Sofiane Boukari, Amar Mebrouk sont de jeune femme et jeunes gens conscients de leur environnement, de leur histoire passée ou présente. Ils photographient naturellement, dans un sens non artificiel. Fraîcheur et sens artistique, regard simple et décomplexé, effort pour restituer humainement ce que leur cœur et leur œil savent voir. Parmi eux se glisse un Français né à Oran, un grand photographe strasbourgeois, Jean-Louis Hess. Quand il va “là-bas” il revient bien sûr avec des prises de vue de sa ville natale, et cette “association” entre professionnel et amateurs est un bel exemple de ce que l’amitié peut aider à construire ici : un pont entre Oran et Strasbourg, un lien fort et respectueux.

Strasbourg Art Photography – Et si le photographe, dans sa démarche artistique et conceptuelle, était avant tout un transgresseur ? Un révolutionnaire aussi. Car même sous des aspects génériques, banals, il se cache toujours chez lui une envie de mettre le doigt là où ça fait du bien, surtout en ne le montrant pas explicitement.

Avec l’événement “Strasbourg art photography, un parcours photographique en ville”, il n’ira pas contre les conventions, il fera en sorte de s’exposer en dehors de celles-ci (et même si on l’y retrouve, ce sera dans un esprit spécifique). Il mettra en vue ses œuvres là où on ne l’attend pas. Exprès. Il tendra un joli piège dans lequel le visiteur, de lieux en lieux, se surprendra à voir des œuvres hors contexte culturel. Les photographes sélectionnés par Strasbourg art photography laisseront pousser dans de drôles d’endroits,  ou bien des endroits atypiques, de beaux endroits aussi, leurs travaux photographiques pour provoquer. Provoquer un dialogue, des surprises, des interrogations. Pour faire du bien.

Aller hors les sentiers battus c’est offrir une promenade sous forme d’une invitation inattendue. Et ces lieux, ces endroits dont il est question, seront de petits ou grands repères, une sorte de rendez-vous secrets. L’ensemble des entrepreneurs et responsables de lieux, privés ou publics, qui accueilleront durant tout le mois de mars 2017 de nombreux et grands photographes, sont aussi, à leur tour, des innovateurs.

Mettre l’art dans de nouvelles situations c’est proposer un autre angle de vue. La photographie d’art se mérite, mais elle ne doit exclure personne du côté de toutes celles et de tous ceux qui veulent la regarder et la découvrir.

L’Oeil du collectionneur au MAMCS – Strasbourg : très impressionnantes et splendides collections, le souvenir de Marcel et Gigi Burg, Jean-Louis Mandel en guide érudit et affable parmi ses pièces remarquables.. Un événement de grande portée ! Avec cette exposition la notion de “province” peut ne plus persister, Strasbourg fait jeu égal avec Paris grâce à la volonté et l’intelligence (l’oeil !) de grands collectionneurs alsaciens (G et M Burg, J+C Mairet, Esther et Jean-Louis Mandel et des collections privées). En décembre prochain d’autres collectionneurs montreront leurs trésors.

Marcel Burg : suite et fin, et pourtant l’oeuvre restera

Dans notre dernier article nous parlions de Marcel Burg à l’occasion de sa dernière exposition “Stigmates” et nous venons d’apprendre une très triste nouvelle. Ce brillant collectionneur vient de nous quitter. Il rejoint sa chère épouse dans des lieux à la fois abstraits et sensibles. Marcel a aidé à la création de l’événement “Strasbourg art photography” et de l’association Art propulsion. Nous sommes profondément peinés par sa disparition.

Mise en scène de la virtualité, réalités, douleurs et bonheur, se souvenir, se préparer.

Le plus étrange dans l’acte de se souvenir n’est pas le flou ou l’imprécision factuelle mais l’interaction entre éléments sensoriels et affectifs. La mémoire ne semble pas fonctionner comme les pages d’un catalogue. Elle serait beaucoup plus un lieu flottant dans lequel se retrouvent pêle-mêle des odeurs, des regards, des sons et des situations. Ce tout va resurgir par bout, par bribe, au gré d’événements, au présent, mais aussi dans le maelström des rêves, cette autre réalité virtuelle. Tout laisse des traces, au moins dans trois lieux inséparables : le cerveau, le corps et le cœur. Chacun de ces lieux sera tour à tour dominant dans un moment donné, souvent à répétition, mais la vie, sa vie, en fera ce tout qui fabriquera un sens. Le sens de la vie, ce bouleversement perpétuel et insensé. Rien n’est figé et pourtant la permanence de situations (là encore faites de sons, de visages, d’odeurs, de goûts) fait qu’il se fixe quelque chose en nous. Étrangeté des contraires, de ce qui est, de ce qui a été, de ce qui bientôt ne sera plus et l’usine à souvenirs se met en route. Une photographie qui ne sera pas un événement arrêté mais une partie d’événements eux-mêmes mouvants et elliptiques.

Précisément (!/?), avec les œuvres de Ken Matsubara montrées à La Chambre sous le titre Hou-Chou, Bird releasing, nous nous trouvons dans ce territoire du mouvement mémoriel où tant de petites choses (in)-signifiantes jalonnent des chemins croisés, des voies (in)-sensibles par lesquels il semble que chacun d’entre nous passe à un moment ou un autre. Selon le principe, la répétition fixe la notion, l’artiste japonais nous met dans cette belle contradiction de l’oubli impossible mais plus encore d’une mémoire elle-même sujette à projection. De simples items dans leur particularité, nous arrivons avec lui à imaginer, et donc à retrouver, des sons ou des objets parties prenantes de ce qu’ils font de nous. Soit des réceptacles à mémoire. Nous sommes ces endroits où vient se réfugier ce qui nous (a) construits. La force de Ken Matsubara est de ne pas forcer les choses, il donne de la force à rien. Sachant que ces riens sont constitutifs de ce que nous sommes.

Se peut-il que le/les souvenirs soient en réalité une interprétation qui ne peut prendre forme que dans une mise en scène à venir ? Et si cette construction était elle-même plus forte que le sujet pour devenir une nouvelle réalité ? C’est ce que fait Estelle Lagarde chez Radial Art Contemporain en fabriquant cette réalité en relief, mise en scène des souvenirs et installations d’objets interprétatifs. La photographe crée les conditions de l’écho tel celui du rêve. Nous voyageons avec elle entre réminiscences et architecture du virtuel. Ici l’humour aussi sait prendre sa place dans cette formalisation pour nous dire que le relatif est bel et bien un élément indispensable du bonheur.

Le bonheur (tiens donc !) fait aussi l’objet du passé dans une tentative de le sauver de l’oubli comme si celui-ci ne pouvait se satisfaire du présent. Ce bonheur vécu est-il déjà de l’ordre du temps d’hier, d’avant, une nostalgie intrinsèque ? Le travail de mémoire de Pascal Bastien à Stimultania est une entreprise gigantesque. Il s’agirait presque d’un jeu de piste, d’un arbre généalogique du temps où chaque branchage renvoie à un vécu impossible à réinventer, ou chaque sentier est une expérience en soi qui a mené vers ce qui ne sera plus. Un bonheur en multitude, une montagne de souvenirs, un foisonnement de vie.

Puis vient le temps de ce que la vie laisse sur son passage. Surtout avec l’absence du corps, de l’âme (ce sourire du Vivant), pour ne laisser qu’une douleur. Les stigmates, ces traces indélébiles qui se logent dans les souvenirs, et dont les preuves tangibles se retrouvent en soi et sur soi. Un objet aussi. Le collectionneur Marcel Burg nous montre une sélection de ses œuvres sur ce thème, chez In Extremis, sous ce titre de « Stigmates » en évitant le pathos et, même, en nous donnant une leçon d’humilité et de bonheur. Cet ensemble donne à réfléchir. Déchirures physiques, la chair, la pierre, le concret et l’immatériel se rejoignent  dans un même élan. Il s’agirait d’un cri, silencieux, ou bien d’un rire, si discret, d’un sourire encore, si présent. Destructions, fissures, calmes douleurs, présences humaines, le furtif et le palpable. Et de se dire que l’art, dans le sens du sensible, n’est rien d’autre qu’un acte de résistance, au temps, à la douleur, et au vide. Il crée un bonheur autre, maintenant et pour demain. Il ne faut pas l’oublier.

Artistes présentés par Marcel Burg : Marion de Azambuja, Franck Delorieux, Marie Docher, Diane Ducruet, Marc Ferrante, Julie Fischer, Valérie Graftieaux, Bernhard Hosa, Eduard Iabanez, Laurent Millet, Juliette Mogenet, Fernand Petitdemange, Sophie Ristelhueber, François Sagnes, Françoise Saur, Nathalie Savey, Ivonne Thein, Patrick Tosani.

Un parcours photographique en ville

Strasbourg Art Photography souhaite mettre en place un événement sur la photographie moderne, contemporaine et conceptuelle.  Le projet consiste en un parcours photographique dans la ville programmé pour mars 2017.

La photographie peut ne pas être une carte postale, elle est davantage un regard et une réflexion, concrets et/ou intellectuels, un travail aussi. Un artiste, un auteur photographe développe une sémantique où le signifié n’est pas obligatoirement une déclamation ou une démonstration. Mais elle peut l’être. Ou bien le contraire. Reste à comprendre, et là se trouve un face-à-face étrange et beau entre une oeuvre et l’individu devant, celui ou celle qui va entrer en dialogue avec. Les concepts de beauté, de laideur, d’étonnement, de plénitude, d’étrangeté, de vulgarité, d’agressivité, d’émotion, du choquant, du bouleversement etc. seront au choix de cet individu qui regarde. Double regard donc, celui ou celle qui a fait l’oeuvre photographique et celui ou celle qui la découvre. Nous souhaitons mettre en dialogue des photographies, des photographes, qui apportent ces éléments artistiques et conceptuels avec un public non nécessairement habitué / habituel. Déchiffrer, défricher. Ouvrir de nouveaux champs, proposer des terrains de réflexion, mettre l’art et la photographie dans de nouvelles situations.

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